Des révélations choquantes sur les conditions de travail des ouvrier·ère·s

En février 2013, nous avons lancé un Appel Urgent en partenariat avec l’association de juristes Sherpa et l’association de défense des consommateur·rice·s Indecosa-CGT suite à une série d’enquêtes menées par l’ONG China Labor Watch au sein d'usines fabriquant des produits Samsung en Chine.

Appel Urgent ActionAid France - Peuples Solidaires Samsung Chine

Entre salaires de misère, heures de travail excessives et risques pour la santé et la sécurité des personnels, ces enquêtes mettent la lumière sur des conditions de travail indignes et inhumaines. Plus choquant encore, les enquêteur·rice·s témoignent de la présence d’enfants de moins de 16 ans sur les lignes de production, soumis·es aux mêmes conditions de travail que les adultes, mais parfois moins payé·e·s.

Parallèlement aux 25 000 signatures recueillies à l’occasion de ce premier Appel Urgent, nous avons décidé de porter plainte contre Samsung France auprès du parquet de Bobigny pour dénoncer ses "pratiques commerciales trompeuses". En effet, puisque la multinationale communique sur ses engagements et se présente comme respectueuse des droits humains, elle donne des informations de nature à induire les consommateur·rice·s en erreur.

Face au scandale et bien que le procureur ait très vite décidé de classer la plainte, Samsung a promis d’auditer ses sous-traitants et de mettre un terme aux violations de droits constatées. Néanmoins, en juin 2014, la multinationale publiait un rapport "développement durable" dans lequel elle indiquait n’avoir trouvé "aucun cas de travail d’enfant" chez ses fournisseurs.

Pour Li Qiang, directeur du China Labor Watch, "les rapports de Samsung sur sa responsabilité sociale sont de la publicité. Ce qui compte, ce n’est pas ce que dit Samsung, mais ce qu’elle fait."

En effet, dès juillet 2014, notre partenaire China Labor Watch constate de nouvelles violations des droits des travailleur·se·s dans deux usines chinoises qui travaillent pour Samsung. Les enquêteur·rice·s recensent des mineurs qui travaillent 11 heures par jour sans être payés en heures supplémentaires, un manque d’équipement de protection adéquat malgré la manipulation de produits chimiques dangereux, l’obligation de travailler debout pendant 12 à 13 heures d’affilée…
Face à ces révélations, nous avons lancé un nouvel Appel Urgent en octobre, récoltant alors plus de 70 000 signatures.

Il est temps de sanctionner l’écart entre la communication de Samsung et la réalité constatée

Malgré les actions menées par ActionAid France et ses partenaires, la multinationale est loin d’améliorer les conditions de travail de ses ouvrier·ère·s.
En effet, 4 rapports du China Labor Watch démontrent que les violations des droits des travailleur·se·s ont eu lieu entre 2012 et (au moins) jusqu’en 2015. Par ailleurs, l’utilisation de benzène et de méthanol dans les usines aurait causé des maladies incurables chez plusieurs employé·e·s, comme l’a établi la Cour suprême de Corée du Sud en 2017.

Compte tenu de tous ces nouveaux éléments, nous avons décidé avec Sherpa, le 11 janvier 2018, de déposer une nouvelle plainte simple contre Samsung Electronics France et Samsung Monde pour pratiques commerciales trompeuses. Avec cette plainte, nous demandions à ce que l’écart entre la communication de la multinationale et la réalité constatée soit sanctionné.

Samsung en passe de rendre compte de ses engagements devant la justice ?

Le ministère public ayant classé le dossier sans suite en mars 2018, nous nous sommes constitués partie civile devant le Tribunal de Grande Instance de Paris le 25 juin 2018, ce qui a automatiquement entraîné la prise en charge de l’affaire par un juge d’instruction et l’ouverture d’une enquête.

Parallèlement à cela, la multinationale semble être sur la voie de reconnaitre ses erreurs puisqu’en juillet 2018, un accord d’arbitrage a été signé entre Samsung et l’ONG coréenne SHARPS, qui prévoit des excuses officielles, l’indemnisation des victimes ou de leurs proches et le renforcement des équipes de protection dans les usines.
Autre avancée majeure, en novembre dernier, en Corée du Sud, Samsung a accepté d’indemniser des travailleur·euse·s malades et les familles de travailleur·euse·s décédé·e·s suite à l’utilisation de produits toxiques sans protection.

Mise en examen historique de Samsung France

C’est dans ce contexte que, le 17 avril dernier, Samsung France a été mise en examen du chef de pratiques commerciales trompeuses. C’est la première fois, en France, que des engagements éthiques sont susceptibles de constituer des pratiques commerciales trompeuses.

Cela représente un moyen de contourner le vide juridique créé par la loi de mars 2017 sur le devoir de vigilance des multinationales. Samsung France, n’ayant pas plus de 5 000 salarié·e·s en France, n’est en effet pas tenue par cette loi.

La mise en examen de Samsung France devrait représenter un tournant majeur dans la lutte contre l’impunité des multinationales.

Leader mondial sur le marché des smartphones, Samsung a réalisé 219 milliards de dollars de chiffre d’affaire en 2018 et a les moyens de respecter les droits humains dans les usines qui fabriquent ses produits.

Crédits photographiques : Kote Puerto pour Unsplash et China Labor Watch

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