Les recherches d'ActionAid montrent que les violations des droits humains et les dommages environnementaux causés par les activités des entreprises sont loin d'être neutres du point de vue du genre, les femmes étant confrontées à des salaires plus bas, à des violences sexistes et sexuelles, des abus et du harcèlement au travail.

Pourtant, le projet de directive présenté ce mercredi 23 février 2022 par la Commission européenne ne semble pas reconnaître que les femmes sont affectées de manière disproportionnée par les violations des droits dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Ana Alcalde, directrice des politiques et des programmes chez ActionAid International, explique :

"Ce projet de législation est une reconnaissance cruciale, attendue depuis longtemps, de la nécessité de s'attaquer aux violations des droits humains et environnementaux dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Mais la Commission européenne déçoit avec cette proposition sans perspective de genre.

Le fait de ne pas aborder sous l'angle du genre les violations de droits commises par les entreprises empêchera la directive d'avoir un impact réel dans les régions les plus durement touchées par les abus et les activités néfastes des multinationales.

Alors que la proposition fait son chemin auprès du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen, cette lacune flagrante doit être comblée afin que les femmes et les personnes les plus marginalisées ne soient pas laissées pour compte."

Dans son analyse du texte présenté par la Commission européenne, la fédération ActionAid fait plusieurs constats :

La proposition ne fait aucune référence aux impacts spécifiques des activités des entreprises sur les femmes et d'autres groupes marginalisés, tels que les populations autochtones ou les défenseurs et défenseuses des droits humains.

L'absence de perspective de genre et d'approche intersectionnelle dans le projet de directive sur le devoir de vigilance risque de conduire à l'exclusion des femmes en rendant invisibles les impacts négatifs des activités des entreprises sur leurs droits.

Le projet de la Commission européenne propose une obligation générale de vigilance pour les entreprises de plus de 500 employé∙e∙s dont le chiffre d'affaires dépasse 150 millions d'euros, et prévoit des dispositions spécifiques pour les entreprises de plus de 250 employé∙e∙s dans certains secteurs d’activité… ce qui laisserait 99% des entreprises européennes en dehors du champ d'application de la directive.

Or les secteurs d’activité où les femmes sont les plus exposées à des discriminations, des violences et d’autres violations de droits humains sont composés d’une majorité de petites et moyennes entreprises, comme l'industrie du vêtement, l'horticulture et le tourisme.

Selon les propositions actuelles, les multinationales pourraient s'appuyer sur des garanties contractuelles de vigilance de la part de leurs fournisseurs "de premier rang". Il incomberait ensuite à ces fournisseurs de répercuter ce devoir de vigilance sur l'ensemble de leurs propres fournisseurs (fournisseurs "de deuxième rang"). Cela risque de transformer l’obligation de vigilance en un exercice de "cases à cocher" et de permettre aux entreprises européennes, qui sont au sommet des chaînes d'approvisionnement, d'éviter toute responsabilité sur le respect des droits humains. Cela risque également de rendre plus difficile l'accès à la justice pour les travailleur∙se∙s et les communautés affectées, à qui incombera toujours la charge de la preuve.

Au cours des prochains mois, la proposition sera ouverte aux négociations, aux amendements et à l'approbation du Parlement européen et des États-membres de l'UE qui définiront leurs positions. Il s'agit d'une étape cruciale pour garantir que la directive soit renforcée et prenne en compte la perspective de genre dans la lutte contre les abus dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Contact presse en France :

Maelys Orellana, Chargée de campagne Régulation des multinationales et Dignité au travail, maelys.orellana@actionaid.org – 06 34 26 54 17

Notes aux rédactrices et rédacteurs :

Comme le soulignent les lignes directrices de l'OCDE sur le devoir de vigilance et la dimension de genre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains, les entreprises doivent adapter leur approche du devoir de vigilance pour tenir compte des effets négatifs potentiels sur les individus ou les groupes en situation de vulnérabilité, et des risques différents auxquels peuvent être confrontés les femmes et les hommes.

En omettant d'inclure une dimension de genre dans le devoir de vigilance des entreprises européennes, les préjudices différenciés auxquels les femmes sont confrontées risquent de ne pas être pris en compte.

Une récente recherche d'ActionAid France sur le devoir de vigilance des multinationales confirme que les entreprises omettent presque systématiquement d'inclure les risques de violences sexistes et sexuelles dans leurs mesures de vigilance, et n’intègreront pas la dimension de genre dans leurs plans de vigilance à moins d'y être explicitement tenues.

Pour plus d'informations sur les recommandations d'ActionAid concernant les législations sur le devoir de vigilance, consultez notre rapport : Multinationales et droits des femmes : pour un devoir de vigilance intégrant la dimension de genre.

Communiqué de presse

Devoir de vigilance des entreprises : le projet de directive européenne semble écarter les femmes