Après trois semaines d'une intense mobilisation, les ouvrières et ouvriers du prêt-à-porter ont repris le travail, mercredi 15 novembre.

Dans ce secteur d'activité, le salaire minimum sera porté à 12500 takas (environ 104 euros) par mois, soit à peine la moitié de ce que demandait la Fédération des ouvrières et ouvriers de l’industrie de l’habillement du Bangladesh (BGIWF).

Rappelons que, d'après l'Asia Floor Wage Alliance (AFWA), une famille de quatre personnes aurait besoin d'environ 48000 takas, soit un peu moins de 500 euros, pour subvenir à tous ses besoins. Son rapport de juin 2023 souligne que les ouvrières et ouvriers du secteur ne mangent pas à leur faim et dépensent malgré tout davantage qu'ils et elles ne gagnent !

Il ne faut pas oublier non plus que ce nouveau salaire minimum a peu de chance d’être revalorisé d'ici les prochaines négociations obligatoires, c'est-à-dire dans 5 ans.

Sheikh Hasina, la première ministre du pays, qui briguera un cinquième mandat lors des élections générales du 7 janvier 2024, a refusé toute nouvelle hausse du salaire minimal et intimé aux ouvrières et ouvriers de reprendre le travail sous peine de perdre leur emploi et d’avoir "à retourner dans leurs villages". De fait, c’est par obligation financière et sous les menaces des autorités que les grévistes ont repris le travail.

Les manifestations de l’automne ont été très violentes pour les grévistes, notamment à Dacca, la capitale. Au moins quatre personnes ont été tuées, dont trois ont été abattues par les forces de l’ordre, d’après l’Agence France-Presse (AFP). Au moins 140 ouvrier∙ère∙s ont été arrêté∙e∙s, et environ 10 000 personnes font l’objet de poursuites.

L’Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh pointe, avec une certaine justesse, que les marques européennes "prennent publiquement position en faveur d’une hausse des salaires et, en privé, refusent d’absorber cette hausse de coûts" en relevant leurs prix d’achat.

De fait, rares sont les marques à avoir répondu aux appels de soutien des revendications salariales. La coalition d'ONG Clean Clothes Campaign, dont fait partie ActionAid France, a notamment interpellé une douzaine d’entre elles, dont H&M et C&A, mais seule Patagonia a répondu. En septembre, Human Rights Watch constatait que la question de la liberté d’expression était "à peine abordée" dans la plupart des rapports d’audit sociaux commandés par les grandes marques d’habillement.

Or, comme le rappelait notre rapport de septembre 2022 sur les conséquences de la pandémie de covid dans le secteur du prêt-à-porter, les principales responsables de la pauvreté et des violences que subissent plus de 4 millions de personnes au Bangladesh sont les entreprises qui s'y fournissent.

Nous continuerons donc d'interpeller les marques de vêtements, dans les mois qui viennent, pour qu'elles assument leurs responsabilités.

Bangladesh : une grève historique, des salaires toujours trop bas