D'une manière générale, les droits des travailleur·se·s domestiques sont régulièrement bafoués à travers la planète : les règles prévues par la Convention 189 de l'Organisation internationale du travail (OIT) ̶ comme le droit à conserver son passeport avec soi ou le droit à une journée de repos par semaine ̶ ne sont pas respectées.

ActionAid France et ses partenaires se mobilisent donc depuis plusieurs années pour la ratification de cette convention internationale et sa mise en oeuvre.

Or depuis plusieurs mois, la progression de l'épidémie de coronavirus et les mesures de prévention sanitaire prises dans de nombreux pays frappent de plein fouet les travailleurs et travailleuses domestiques, qui représentent environ 67 millions de personnes dans le monde.

Des conditions de travail dégradées

Dans de nombreux pays touchés par l'épidémie, les travailleur·se·s domestiques subissent une augmentation substantielle de leur charge de travail pour assurer la propreté et l'hygiène sans compensation pour les heures supplémentaires.

Au Guatémala, le syndicat de travailleuses domestiques Sitradomsa, avec qui nous collaborons régulièrement, constate que les familles sont beaucoup plus exigeantes : "elles veulent que tout soit plus propre qu'avant l'épidémie", témoigne Floridalma Contreras, co-fondatrice du syndicat. Et ce sont souvent les travailleuses domestiques que l'on envoie faire les courses de toute la famille, sans aucune protection.

Beaucoup d'employé·e·s de maison rapportent que les familles qui les emploient les contraignent à rester confinées avec elles en leur donnant pour seule alternative le confinement au travail ou la perte de tout revenu. Ce confinement forcé avec leurs employeur·se·s accroît les risques de violences, déjà importants en temps normal.

C'est ce dont témoigne cet article paru au Chili le 26 mars 2020 (en espagnol) : Les employées de maison craignent les "employeurs inconscients" pendant la quarantaine.

En première ligne, les personnes sans papier

La plupart des employées et employés de maison dans le monde sont dépourvu·e·s de contrat de travail, voire de titre de séjour.

Un article d'Al Jazeera paru le 28 mars 2020 (en anglais) sur l'accès aux tests du coronavirus au Liban met en lumière les difficultés particulières auxquelles sont confrontées les travailleuses domestiques lorsqu'elles sont sans papier : Sans papiers au Liban : pas de papier, pas de test du coronavirus

Or un grand nombre de travailleuses domestiques au Liban - comme dans de nombreux pays du monde - se retrouvent sans papiers lorsqu'elles fuient un·e employeur·se abusif·ve, en raison de la pratique répandue de confisquer les passeports et pièces d'identité des personnes employées à domicile.

Les témoignages s'accumulent

Au Brésil, où aucune mesure préventive n'a encore été prise, plusieurs employées de maison sont tombées malades en raison de leur travail : exposées sans protection au virus contracté par leurs employeur·se·s, elles travaillent dans des conditions particulièrement stressantes.

Un article paru le 19 mars 2020 dans Publica indique que l'un des premiers décès au Brésil est celui d'une travailleuse domestique (en portugais) : Premier décès par coronavirus à Rio, la domestique n'avait pas été informée du risque de contagion par son patron

Pour Lita, membre du Réseau national des travailleur·se·s domestiques en Indonésie, "les travailleuses domestiques n'ont même pas le courage de demander si leurs employeurs présentent des symptômes de la maladie, car il y a un déséquilibre de pouvoir.”

A l'inverse, nous avons eu écho, au Chili, de personnes licenciées par téléphone après 30 ans de service, ou en Indonésie, d'employées de maison empêchées du jour au lendemain de pénétrer chez leur employeur.

Au Guatémala, le Sitradomsa vient en aide à ses membres les plus durement touchées par la crise, en distribuant de la nourriture et des kits d'hygiène aux femmes brusquement privées d'emploi par les mesures de confinement mais ce soutien entre collègues ne peut pas remplacer la nécessaire solidarité nationale...

Nos demandes

Alors que la pandémie continue de s'étendre, les travailleurs et travailleuses domestiques n'ont jamais eu tant besoin de voir leurs droits reconnus. Leur santé et leur sécurité doit être une priorité de nos gouvernements.

Nous nous associons à la Fédération internationale des travailleur·se·s domestiques pour appeler les gouvernements à prendre des mesures immédiates qui garantissent :

le droit à un lieu de travail sûr et sans danger : fourniture d'équipements et formation à leur utilisation appropriée ; les gouvernements doivent s'assurer que les travailleur·se·s domestiques ont le même accès aux mesures de protection que les autres personnes ;
le droit à des congés de maladie payés et l'accès aux soins : lorsque les travailleur·se·s domestiques sont malades, ils doivent rester à la maison et bénéficier d'un congé de maladie payé, y compris lorsqu'ils ou elles sont en quarantaine ;
le respect du droit du travail : en cas de licenciement, les travailleur·se·s domestiques doivent recevoir leur salaire et toutes les indemnités conformément à leur contrat et à la loi ;
le droit à l'information : les informations sur la pandémie doivent être largement diffusées, y compris auprès des travailleur·se·s migrant·e·s, dans une langue qu'ils ou elles comprennent.

Crédit photographique : Otilia, employée de maison au Guatémala, photographiée par Anaïs Taracena pour ActionAid France

Soyons solidaires face au Covid-19

Les travailleuses domestiques en première ligne